mercredi 16 novembre 2005


C'est parfois par des petits détails que l'on s'aperçoit des différences culturelles qui peuvent exister entre deux pays.
Les allemands portent volontiers des sandales. Avec des chaussettes. Même en été. Parce que c'est pratique, comme ça, ils n'ont pas trop chaud aux pieds, et ils ne les salissent pas non plus. Mais les pieds, ça se lave, non ? C'est là que le bat blesse. Oui, les pieds se lavent, mais ils sont précieux, et il ne faudrait pas risquer de les abîmer.
L'allemand de base entretient donc une relation passionnelle avec les extrémités de ses jambes. Quand les vitrines des pharmacies françaises exposent des produits anticellulite, les Apotheke aiment faire la publicité de soins pour les pieds, avec, notamment, des crèmes anti-champignons (1 allemand sur deux en souffre, paraît-il, mais je ne connais pas les chiffres français, alors je jette cet argument au feu). Ici (Berlin), il est impossible de se faire épiler à la cire, mais les occasions ne manquent pas pour se faire masser les pieds.
Dans ces conditions là, vous ne serez pas étonnés de savoir que c'est à Berlin que j'ai eu mon premier -et dernier- contact avec le fétichisme pied.
C'était l'année dernière, à la même époque. J'essayais vainement de suivre les cours de l'université, perturbée que j'étais par un besoin plus primaire que celui d'apprendre: pouvoir acheter de quoi vivre. Autrement dit, j'étais à la dèche.
J'ai donc épluché les petites annonces pour trouver un boulot, sans vraiment trouver quelque chose qui me permette de continuer mes études. De fil en aiguille, j'ai fini par téléphoner au numéro écrit sous "Cherche modèle féminin (vidéo fétichisme pied, grande taille bienvenue, pas de sexe, pas de nu)". Vous me direz, faut vraiment être conne pour répondre à un truc pareil, mais j'avoue que c'est surtout la curiosité qui m'y a poussée.
Le type m'a donné rendez vous tout de suite. J'y suis allée, pas trop confiante, mais trop bien élevée pour me débiner (d'autant qu'il avait mon numéro de téléphone).
C'est un sosie de Bill Muray (plus gros) qui m'a ouvert la porte de son "studio": un loft immense avec un canapé en cuir noir, un ensemble hi-fi vidéo énorme et une toute petite caméra numérique. Après un court entretient, il m'a demandé de lui montrer mes pieds. Figurez vous que c'est très curieux de montrer ses pieds comme ça à un inconnu. Enfin bon, tant que j'étais là, voilà. Il m'a demandé si j'étais chatouilleuse, et ne sachant trop quoi répondre, j'ai dit non (alors que oui). Le type a eu l'air déçu. J'ai compris plus tard pourquoi.
Plus tard, c'est quelques jours après. Car, à 20 € de l'heure, j'étais assez tentée d'essayer. J'avais, selon la consigne de mon "chef", vernis mes ongles en rouge. Il m'a fait m'allonger sur le canapé, les jambes posées sur l'accoudoir de façon à ce que mes pieds dépassent. Il s'est caché derrière le canapé, assis sur un petit fauteuil gonflable, et il a commencé à me gratouiller/chatouiller la plante des pieds avec les ongles, de toutes les façons possibles, en me parlant de temps à autres "tu comprends, ce que j'aime, c'est quand le pied a un sursaut, quand je touche un point sensible...ça me fait plaisir, tu peux pas savoir...Ca va, toi ? Tu y prend du plaisir aussi ?...Non, parce que, ça serait vraiment bien si ça te plaît aussi...Détend toi..."
Enfin bon, j'étais pas du tout décidée à me détendre, et j'ai pris mon mal en patience jusqu'à ce que ce soit fini. J'ai quand même remarqué qu'il a allumé la caméra pendant quelques minutes.
Détail qui a manqué la fois suivante. Car j'y suis retournée une fois pour être sûre, quelques jours plus tard.
Là, il a voulu que je mette un masque sur les yeux. Evidemment, ça m'a pas plu. Je l'ai mis quand même, mais un peu de travers, alors je voyais encore. Il a recommencé comme la fois d'avant à ma chatouiller/masser/gratouiller les pieds, en cachant encore moins son plaisir que la première fois. Je n'avais qu'une seule peur, qu'il se mette à me lécher les orteils. Au bout d'une demi heure, je lui ai dit que je voulais arrêter, car j'avais du mal à supporter son plaisir (d'autant que je ne puis affirmer qu'il ne se branlait pas derrière son canapé, ce qui est vraiment répugnant).
Il s'est relevé et s'est planté devant moi (toujours allongée sur le canapé, mais j'avais retiré le masque) et j'ai vraiment eu très peur qu'il ne m'attache et ne me séquestre ! Il avait l'air très peiné, presque au bord des larmes. "quel dommage...de si beaux pieds...si doux..." Il respirait très fort. Je me disais "pourvu qu'il n'ait pas l'idée de les couper pour les garder pour toujours".
Mais non, il m'a laissée partir.

L'idée que quelqu'un me paye 20 € de l'heure pour faire des vidéos qu'il va sûrement revendre très cher ne me choque pas (évidemment, d'un point de vue politique, c'est immonde, mais c'est tout le système qui est comme ça). Par contre, l'idée qu'un homme me paye pour son propre plaisir (il n'a pas allumé la caméra la deuxième fois) me dérange beaucoup plus, même si c'est une forme de plaisir que je ne partage absolument pas et que je trouve plus absurde qu'érotique.
C'est vrai qu'il m'avait prévenue lors de mon entretien d'embauche: son travail lui procure un immense plaisir. J'ai essayé d'avoir assez d'ouverture d'esprit pour passer outre, mais ça n'a pas marché.
Je n'avais pas conçu la dimension érotique de mes pieds.

Mais on ne m'y reprendra pas !

(quoique, s'il avait été séduisant, j'aurais peut être réagi tout à fait différemment, car finalement, allemand ou pas, ça peut être vraiment agréable de se faire tripoter les pieds !)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tous les mercredi je dois traverser à pied un quartier de Berlin (F-hain) pour aller à un cours d'anglais. Sur la route, il y a un marchand de semelles et autres soins qui a le goût très sûr d'afficher en vitrine de belle photos de pieds dans des états affreux, histoire de suciter l'envie et le besoin d'acheter ses conneries.

Alors, oui, dans certains cas, le pied a quelque chose de pornographique...